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3 mai 2010 1 03 /05 /mai /2010 21:33

jonsi2.jpgMais qu’est-ce qui possède donc autant le sol islandais pour créer de telles éruptions ? Que contient donc tant le ciel islandais pour irradier de ses volutes musicales nos oreilles affadies ? Non l’Eyjafjallajökull (et je vous prie de croire que le furet est assez chtarbé pour savoir non seulement écrire le nom de ce doux volcan, mais aussi le prononcer !) n’est pas le seul en Islande à créer des remous. Tandis que la crise financière a laminé l’économie entière d’un pays qui se croyait à l’abri des soucis et le clamait haut et fort aux yeux du monde (quitte à en paraître aujourd’hui d’autant plus ridicule…), deux artistes portent tout aussi haut et fort le caractère d’un État singulier : le bien nommée Björk au sommet et à ses côtés, tout proche, Jónsi (alias Jón Pór Birgisson), leader du vénéré groupe Sigur Rós. L’énergumène ne sera présent que par deux fois en France cette année : le 7 juin au Bataclan puis le 28 août à Rock en Seine. Ne le ratez pas, le furet le saurait… et gare à sa rage !

 

 

Je me souviendrais toujours de ce concert, il y a une dizaine d’années au Printemps de Bourges, où je découvrais pour la première fois (et l’unique à ce jour malheureusement) Sigur Rós sur scène. Je ne les connaissais alors que par l’album Ágætis byrjun, qui reste ad vitam aeternam un must de ma discothèque, que je ressors régulièrement avec la même fébrilité et qui me procure chaque fois cette même sensation de plénitude dans la souffrance : une catharsis bien plus efficace que n’importe quelle séance de psy, je peux vous l’assurer !

Jónsi ne se tenait alors que courbé, tel un fœtus, sur sa guitare avec laquelle il faisait corps, un pendant unique à cette voix si lancinante qu’elle en est une plainte, à ce timbre aigu si insolite qu’il en incarne la douleur même, à ce chant si inhabituel qu’il en est saisissant. La musique, principalement composée de cordes (les guitares elles-mêmes étant jouées à l’archet !) mais aussi ouverte aux flûtes, orgues ou xylophones, accompagne à merveille ce mouvement, appuyé par instants choisis par une rythmique franche et assurée.

 

Pour la petite histoire, le groupe naît en 1994. Il se compose de Jón Þor Birgisson (voix, guitares), Kjartan Sveinsson (claviers), Georg Holm (bass) et Agúst (batterie), remplacé quelques temps plus tard par Orri Páll Dýrason (batterie) à son départ, lui souhaitant poursuivre dans le graphisme. Le groupe sort son premier opus, Von, en 1997, récemment réédité afin de lui donner un écho international, ce dont il n’avait pas bénéficié à l’époque (de plus, cet album concept est assez différent du reste de leurs réalisations). C’est à la sortie du second opus en 1999, Ágætis byrjun (à savoir Un bon début, fort bien nommé), que le groupe commence à acquérir une renommée dépassant ses frontières. Quoi de plus normal car cette œuvre-là est majeure, augurant d’une richesse intérieure qui n’a pas démérité depuis.

Que de chemin parcouru cependant, depuis les débuts au plus récent Með suð í eyrum við spilum endalaust (celui-ci, je l’ai copié, j’avoue !), entrecoupé par deux albums non moins beaux : () en 2002 et Takk… en 2005, puis une magnifique double compilation de singles Hvarf heim en 2007. Sans jamais perdre le Nord, Sigur Rós a réussi à se hisser sur des sommets de plus en plus douillets et lumineux, en partant des routes les plus étroites et sinueuses. Chaque fois, le groupe crée des ambiances singulières, toujours captivantes et allant droit au cœur.

 

Difficile de différencier Jónsi du groupe dont il est issu tant sa voix domine l’œuvre entière de Sigur Rós. Si vous aimez les disques de Sigur Rós, il y a fort à parier que vous courrez acheter le premier opus solo de Jónsi… L’album Go, sorti le 23 mars, fait déjà largement parler de lui : plus pop et aérien que les productions sigurrossiennes, il poursuit la voie tracée récemment par le groupe (qui est encore à l’état d’existence, rassurez-vous ! ce n’est pas là la première incartade du chanteur qui réalisa l’an dernier l’album musical expérimental Riceboy Sleeps avec Alex, un autre comparse) : ses chansons se veulent plus sautillantes, sans oublier la mélancolie, plus inspirées par le vol d’un feuille aux couleurs chatoyantes dans un ciel bleu profond que par les fureurs d’un geyser, plus attirées par la légèreté que les angoisses passées. Et c’est tant mieux ! Car ces ambiances-là nous vont aussi bien, nous donnant l’occasion de pouvoir l’écouter en toutes occasions, des pluies ardentes au soleil le plus assourdissant.

 

Pour ceux qui découvriraient par la petite porte cet immense artiste, sachez que Jónsi partage avec sa congénère Björk cette capacité à s’afficher tour à tour chaleureux ou nostalgique, cette propension à se dévoiler sérieusement barré et cette volonté farouche de traduire par la musique la beauté d’un pays qui leur colle à la peau, de la rigueur du climat à la poésie des paysages, de la prégnance des phénomènes géologiques au mystère de la langue.

 

Pas étonnant dès lors de retrouver aujourd’hui le propre papa de Björk en digne syndicaliste, défenseur des droits des Islandais floués par un État qui a voulu leur faire croire que le pays était sous haute protection des banques : en fait, son tapis de richesse s’est envolé aussi vite que les cendres de l’Eyjafjallajökull ont mis de temps à paralyser le trafic aérien mondial quand ils ont enfin réalisé que les banquiers ne les soutenaient pas, mais avaient tout bonnement spéculé, créant seulement cette illusion de richesse !

 

Avec Jónsi au moins, vous ne perdrez jamais : cette richesse-là n’est pas qu’illusoire, elle est pure, sans faille et mouvante… comme l’Islande.

 

Les sites à consulter :

http://jonsi.com/

http://www.sigur-ros.co.uk/news/

 

 

Jónsi sur sa tournée actuelle :

 

Jónsi : Go quiet trailer, un morceau qui prend aux tripes

 

Sigur Rós : une animation réalisée lors de la campagne « Music matters », pour promouvoir les vertus de la musique, illustrant les morceaux d’artistes inspirés tels que Nick Cave, The Jam, Kate Bush…

 

Sigur Rós et Björk : Gobbledigook live au concert Naturra le 24 juillet 2008 dans la capitale Reykjavik (celui-ci aussi le furet sait l’écrire sans copier, si si !), concert destiné à récolter des fonds pour la sauvegarde du paysage naturel islandais.

Merci à la fidèle Solène d’avoir déniché cette perle...

 

Le furet reconnaissant et attendri

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commentaires

S
<br /> oui ! faisons le tour de l'Europe ! je viens de découvrir Alina Orlova, une lituanienne pas mal du tout !<br /> et encore bravo pour cette finesse et cette justesse des mots.<br /> <br /> <br />
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T
<br /> Quelle plume!<br /> A quand un article sur les artistes norvégiens, pour rester dans l'exercice phonétique? (Röyksopp...)<br /> En attendant, vite vite, une écoute du disque de Jónsi (i.e. Jón Þór Birgisson!)<br /> <br /> <br />
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