Victoires de la musique 2012 : le contre-palmarès

Bien que la qualité globale du paysage musical français présenté ce samedi 3 mars ait subi une hausse vénérable de sa cote en 2011 (des nominés de qualité dans chaque catégorie, un panel vaste, peu de fausses notes mis à part quelques catégories anodines…), le palmarès 2012 des Victoires de la musique laisse encore une fois un arrière-goût amer : des prix hommage plus que coups de cœur, des choix finaux toujours tièdes et timorés, une représentation trop mainstream pour être ouverte, trop calquée d’une année sur l’autre pour proposer de véritables alternatives et propulser de nouveaux auteurs sur le devant de la scène…

Détails des artistes que le furet – et ses comparses du webzine Faces B – auraient primés et nominés cette année.

À noter : La quasi-totalité des noms cités peuvent être retrouvés d’un clic lors de l’une ou l’autre chronique de l’an passé sur ce fort bon blog (je me félicite !).

Artiste interprète féminine :

> Nominées officielles : Camille, Nolwenn Leroy, Catherine Ringer, Zaz

> Lauréate officielle : Catherine Ringer

On honorera ce choix qui démontre, comme ces playlists l’avaient supputé il y a quelques mois, que Catherine Ringer a su trouver sa voie/voix hors des sentiers des Rita Mitsouko. Cet album, aussi barré que juste, apaisé que fou à lier, mais aussi maladroit par endroits, méritait bien un prix. L’intégralité de sa carrière mérite, de toute façon, plus d’un prix…

Nous échappo

ns heureusement à l’incongruité d’une Nolwenn Leroy (pour des reprises qui n’ont d’intérêt que pour des rétrogrades fans d’un passé sans curiosité) et à la gouaille de Zaz, trop prononcée pour être honnête.

> Nominées par le furet (et Faces B) : Camille, Catherine Ringer, Claire Denamur, L

> Lauréate du furet : Camille

Que Camille, par trois fois nominée à ces Victoires, soit repartie bredouille est incontestablement la plus grosse erreur de ce palmarès. Ilo veyou, 4^e production de l’inclassable Camille, est l’un des meilleurs moments de

l’année 2011, plein de poésie, d’inattendu, de grain de folie et de rythmique implacable. Il faut aussi avoir vu la diva en live une fois dans sa vie pour être définitivement envoûté par son univers.

Claire Denamur, révélée en 2009 via myspace trace aussi un beau chemin dans sillons d’une chanson ouverte, au folk tantôt grave tantôt gai.

L, ma révélation, ma perle, mon trésor de l’année, sera développée plus tard…

Artiste interprète masculin :

> Nominés officiels : Benjamin Biolay, Julien Clerc, Hubert-Félix Thiéfaine, Thomas Dutronc

> Lauréat officiel : Hubert-Félix Thiéfaine

Là encore, les Victoires font le choix de couronner une carrière. Vu l’importance à la fois alternative et populaire du bonhomme, on ne peut que s’incliner et apprécier que son œuvre soit dignement récompensée. Pour autant, le furet a perdu ce fil depuis belle lurette.

> Nominées par le furet (et Faces B) : Benjamin Biolay, Arthur H, Cascadeur, Bertrand Belin, Alex Beaupain

> Lauréat du furet : Alex Beaupain

Si Biolay demeure l’un des “musts” en matière de composition en chanson française (malgré une voix toujours trop faiblarde pour porter la beauté de ses textes, d’où une sélection en duo), le furet lui préfèrera l’écriture sans faille d’un Alex Beaupain, allié de toujours du réalisateur Christophe Honoré, et qui signe un beau doublé en 2011 avec Pourquoi Battait mon cœur et la BO des Bien-Aimés.

Le Baba Love d’Arthur H présente lui aussi quelques sommets à dévoiler et partager sans modération.

Cascadeur était l’un des gros coups de cœur de l’année, avec notamment un Meaning en version chorale à faire tourner en boucle…

Bertrand Belin et son univers chanté décalé, à tel point qu’il ne le comprend pas toujours lui-même (du moins c’est ce qu’il aime laisser croire), sont la preuve d’une plume et d’une humanité irréfutables l’album date de fin 2010, mais il a beaucoup tourné en 2011).

Groupe de l’année :

Cette catégorie n’existant pas dans la sélection officielle, voici les choix du furet :

> Nominées par le furet : Shaka Ponk, The Dø, Stupeflip, Herman Düne

> Lauréat : The Dø

Le deuxième album de The Dø, Both ways iopen jaws, est l’une des plus belles réussites de 2011 : tant musicalement que scéniquement, cette explosion sonore, tour à tour délicate et aussi féerique et puissante qu’un feu d’artifice ne lasse pas d’étonner jour après jour.

Nul besoin de s’éterniser non plus sur les Shaka Ponk dont l’énergie scénique n’est plus à démontrer (ils étaient de tous les festivals et le sont encore : au Printemps de Bourges et à Solidays prochainement par exemple…) et dont la pop-rock bien lunée se laisse aussi aisément écouter à domicile.

Le retour de Stupeflip a aussi insufflé un vent alternatif bienvenu dans un paysage musical de plus en plus formaté… Stupeflip vite est un hymne ! Le furet vous le garantit à vie.

Enfin, si Herman Düne a baissé en intensité folk, son single Tell me something I don’t know dégage toujours une belle volonté mélodique.

Groupe ou artiste révélation du public :

> Nominés officiels : Brigitte, L, Inna Modja, Orelsan

> Lauréat officiel : Orelsan

Orelsan est l’une des choses les plus insipides et pré-adolecentes mal formées qu’il m’ait été donné d’entendre ces derniers temps.

Les Brigitte ont du charisme, de la légèreté, du deuxième degré, de l’auto-dérision et du peps et on adore les voir ici car elles le méritent.

Inna Modja, vu son parcours du métro à l’album et l’élégance de son style, avait tout à fait sa place parmi les nominés.

> Nominés par le furet : Brigitte, L, The Chase, Stranded Horse, Daphné, Lou Lesage

> Lauréat du furet : L

L a l’écriture la plus stylée de sa génération, capable d’avoir l’air d’une Barbara sur des thématiques actuelles, de s’envoler vers des cieux oniriques en anglais ou de gouailler comme à la grande époque les effets bénéfiques de la cocaïne… Ange blessé ou fée déchue, elle décline des vérités premières en trois mots bien sentis, son universalité transpire et l’écoute en boucle est hautement recommandée aux âmes en peine.

The Chase aurait dû logiquement cartonner à tout va, tant la poésie et la vitalité qui en ressort – bien qu’en anglitude – a un effet revitalisant à chaque instant. Leur absence significative de ce palmarès est donc tout à fait incompréhensible (comme beaucoup d’autres, je vous l’accorde…).

Stranded Horse, chanteur musicien qui crée des kora à sa taille pour en tirer un son pop personnel est aussi l’un de mes favoris.

Daphné, à la fois décriée ou encensée, est en tout cas assez singulière, et délicate pour noter sa jolie présence.

Lou Lesage, que je découvre quasi en même temps que vous (merci Caro), a cette beauté lancinante dans le ton, cette sensibilité à fleur de peau sans jamais plomber, cet attrait des sixties-seventies sans le poids lourd du souvenir… Belle révélation !

Groupe ou artiste révélation scène :

> Nominés officiels : Alexis HK, Brigitte, Imany, Skip the Use

> Lauréat officiel : Brigitte

Les Brigitte ont fait sensation en 2011, et savent ratisser large : je me suis laissée entendre dire que leurs prestations scéniques sont tout aussi intéressantes que leur album lire ci-dessus).

Imany a également fait des ravages, j’en connais quelques-uns qui auraient bien assaisonnée sa soul efficace à chaque catégorie… (n’est-ce pas Anthony ?).

> Nominés par le furet : Cascadeur, Skip the Use, Gablé, Nasser

> Lauréat du furet : Nasser

Pour les avoir croisés par deux fois en festival, les Marseillais de Nasser ont prodigué une telle énergie d’ions positifs et communicatifs que je leur décerne cette palme.

D’aucuns auraient dit la même chose d’Imany ou encore de Skip the Use (une sensation rock incroyable sur scène).

Cascadeur, tout doux, subtil et mystérieux, a amené une note de raffinement dans ce monde de brutes… (bien qu’on les aime aussi ces brutes) avec son masque de catch et ses notes perlées.

Gablé, barré, fou, aéré, simple mais pas simpliste, halluciné mais pas aliéné, était un coup de cœur scénique magistral.

Album de chansons :

> Nominés officiels :

Camille : Ilo veyou

Cœur de Pirate : Blonde

Catherine Ringer : Ring’n’roll

Hubert-Félix Thiéfaine : Suppléments de mensonge

> Lauréat officiel : Thiéfaine

Ne connaissant pas cet album, je ne me risquerai à aucun jugement. Mais là encore, Camille méritait la place.

Quant à Cœur de Pirate, j’éviterai de dévoiler mon dégoût.

> Nominés par le furet : Ilo veyou de Camille / 101 de Keren Ann / Initiale de L / Lieu dit de Doriand / Émilie Simon : Franky night / François & the Atlas Mountains : E Volo Love

> Lauréat du furet : Ilo veyou de Camille

On ne se lasse pas de cet album de Camille, artiste qui surprend à chaque étape de sa carrière sans faille.

Je place ici l’album de Keren Ann – et non en rock ! ! quelle idée saugrenue -, qui présente de jolies balades folk (malgré des longueurs) et un sommet de joliesse avec My name is trouble.

Quant à Doriand, préconisé par Cyril, l’artiste, très demandé, a déjà confié sa plume de Lio à Keren Ann. Il signe des balades légères, agréables, un peu passe-partout mais de belle facture.

Émilie Simon a aussi signé une nouvelle BO illustrant de façon magistralement poétique le film La Délicatesse.

J’ai enfin une certaine tendresse pour François & the Atlas Mountains, malgré une petite déception à la sortie de l’album.

Album rock :

> Nominés officiels :

Archimède : Trafalgar

Izia : So much trouble 

Keren Ann : 101

Shaka Ponk : The Geeks and the jerkin’ socks

> Lauréat officiel : Izia

Il va décidément falloir un jour que quelqu’un se décide à expliquer au furet ce que le monde de la musique (et dorénavant une bonne partie du public) peut bien trouver à Izia, dont je n’apprécie guère que le père et le frère. Un rock lourdaud, bateau, sans relief…

> Nominés par le furet : Shaka Ponk : The Geeks and the jerkin’ socks / Turnin’ wrong de Kid Bombardos / Gablé : Cute horse cut / Cheveu : 1000 mile

> Lauréat du furet (et Faces B) : Shaka Ponk : The Geeks and the jerkin’ socks

Comme dit plus haut, leur énergie n’est plus à démontrer. Ils réussissent aussi la prouesse de réunir un public autant néophyte qu’amateur.

Kid Bombardos est un groupe pop rock bordelais qui adore les Smiths, le Velvet et les Strokes et le fait bien sentir : ils doivent encore un peu grandir mais c’est déjà une belle promesse.

Pour Gablé, lire plus gaut.

Cheveu est multiforme, tantôt Velvet, tantôt indus, tantôt léger, souvent plus lourd dans le ton. Cheveu est mal dans sa peau, Cheveu enrage, Cheveu s’allège parfois, sourit puis repart dans sa colère. Fort intéressant sur scène.

Album de musiques urbaines :

> Nominés officiels :

Booba : Autopsie vol.4

Joey Starr : Egomaniac

La Fouine : La fouine vs Laouni

Orelsan : Le chant des sirènes

> Lauréat officiel : Orelsan

> Lauréat du furet : Joey Starr : Egomaniac

Le furet et consorts ne s’étant guère penché sur ce domaine d’action, le choix va plus légitimement à Joeystarr qui s’est ici assagi mais conserve quelques piques peu banales et un ton inimitable.

Album de musiques du monde :

> Nominés officiels :

Jehro : Cantina Paradise

Magic System : Touté kalé

Titi Robin : Les rives

Tinariwen : Tassili

> Lauréat officiel : Jehro : Cantina Paradise

Jehro navigue dans un univers reggae soul trop lisse pour que le furet y frotte ses poils tout doux.

Tinariwen s’est laissé un peu trop aller à la balade sur cet opus, laissant moins place au voyage et à la fête que le précédent. On s’y lasse donc un tantinet.

Titi Robin, artisan orfèvre de la musique gipsy, a voulu avec Les Rives relier les racines gitanes d’un bout à l’autre du monde : moins enivrant que ses précédentes productions mais néanmoins très attirant.

Le furet ne connaît pas Magic System… mais ira l’écouter un de ces jours. On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise !

> Nominés par le furet (et Faces B) : Titi Robin : Les rives / Jehro : Cantina Paradise / Tinariwen : Tassili / Mamani Keita : Gagner l’argent français

> Lauréat du furet : Mamani Keita : Gagner l’argent français

Un hymne à imposer dans la campagne présidentielle à l’heure où les Guéant et autres Hortefeux flirtent tant avec les idées infestées du F-Haine…

Album de musiques électroniques ou dance :

> Nominés officiels :

General Elektriks : Parker Street

David Guetta : Nothing but the beat

Justice : Audio, video, disco

Yuksek : Living on the edge of time

> Lauréat officiel : Justice : Audio, video, disco

On aurait pu bêtement supputer que Guetta l’emporte, tellement ce scénario semblait tracé d’avance. Mais c’est Justice qui lui coupe l’herbe sous le pied… Un peu tard somme toute, l’album précédent ayant été la vraie révélation.

Le Parker Street de General Elektriks est quant à lui décevant sur la longueur, dommage après un single aussi prometteur que Summer is here.

Quant à Yuksek, c’est en version DJ qu’il faut accourir le voir pour se déhancher toute la nuit.

> Nominés par le furet (et Faces B) : General Elektriks : Parker Street / Justice : Audio, video, disco / Yuksek : Living on the edge of time / Scratch Massive : Nuit de rêve / Nasser : #4 /  Chinese Man : Racing with the sun / Honeycut : Comedians / Bot’Ox : BO Mineurs 27 / M83:  Hurry up, we’re dreaming

> Lauréat du furet : Scratch Massive : Nuit de rêve

Beaucoup de beau monde dans cette catégorie qui fourmille de mille et une sonorités aussi diverses qu’agréables, douces, frétillantes ou bien assises…

Le choix du Scratch Massive, dont la nuit de rêve ferait passer des cauchemars à plus d’un, tient justement dans sa forme éloignée des dance-floor et son épaisseur qui lui procure une texture riche en découvertes.

Chanson originale :

> Nominés officiels :

Camille : L’étourderie

Jean-Louis Aubert : Puisses-tu

Mika : Elle me dit

Laurent Voulzy : Jeanne

> Lauréat officiel : Laurent Voulzy : Jeanne

Il semble que personne, de près ou de loin dans mon entourage, n’ait jamais entendu une fois dans leur vie ce titre aussi fade que dégoulinant de variété. Le furet s’étonne, le furet se lasse : et Camille dans tout ça ?

> La liste des chansons de l’année du furet :

Rover : Aqualast

Zoufris Maracas : Et ta mère…

MC Solaar (sur l’album de Tom Fire) :

Audriel : Écrire

Arlt : La Rouille

Honeycut (projet parallèle de General Elektriks) : The Comedian

Soko : I thought I was an alien

L : Jalouse / Petite / Pareil

Cascadeur : Meaning

Skip the Use : People in the shadow

Arthur H : Cheval de feu

Woodkid : Iron

The Shoes : Time to D.A.N.C.E

Shaka Ponk : My name is stain

Alex Beaupain : Au départ

La Féline : Wolf & Wheel

Pupajim : I’m a robot

Scratch Massive : Waiting for a sign (feat. Koudlam)

Mr Nô : The Snake

Bot’Ox : Theme from Mineurs 27 / The Boat trap

M83 : Midnight city

The Chase : Butterfly (in my stomach)

We were Evergreen : Vintage car

Brigitte : Battez-vous

Stupeflip : Stupeflip vite !

La Femme : Sur la planche / Télégraphe

Daphné : L’un dans l’autre

Stranded Horse : Les axes déréglés

Agoria : Panta Rei

Keren Ann : Msy name is trouble

Gablé : Who tells you

Bertrand Belin : Hypernuit

Revolver : The letter

Housse de racket : Château

> Lauréat du furet Aqualast

Un sommet pop inestimable !

Spectacle musical, tournée, concert :

> Nominés officiels :

Jean-Louis Aubert : Rock éclair tour

Catherine Ringer : Ring’n’roll tour

Hubert-Félix Thiéfaine : Homo plebis, ultimae tour

Stromae

> Lauréat officiel : Jean-Louis Aubert

Le choix du furet, vous l’aurez compris à la lecture de ce palmarès se posera plutôt sur Nasser, Gablé, Brigitte, Stranded Horse, Cascadeur, L, Camille…

Car à quoi bon un « spectacle » si la musique est bonne, la force de la chanson et le charisme, la sincérité et l’énergie de l’auteur me suffisent.

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Nous passerons sous silence ces deux dernières catégories, aussi insipides qu’inutiles, si ce n’est pour leur intérêt graphique ici nullement révélé… d’autant plus au vu de la sélection officielle (on aurait au moins pu espérer un peu de décalage, des clips innovants, quand bien même ils soient dans le métal, mais non, bof… je n’y vois goutte…).

Vidéo clip :

Nominés :

Julie Doré : Kiss me forever

Inna Modja : French cancan

Orelsan : Raelsan

Vanessa Paradis : La Seine

Lauréat : Vanessa Paradis : La Seine

DVD musical :

Nominés :

Indochine : Putain de stade

M : Les saisons de passage

Christophe Maé : On trace la route

Raphaël : Raphaël live vu par Jacques Audiard

Lauréat : M : Les saisons de passage

Sachant que M est l’un des artistes les plus généreux scéniquement parlant, on ne doute pas de la qualité de cette tournée filmée.